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Episode 1 : le clandestin péruvien

Je pars en Espagne avec une amie cette semaine là. J’ai vingt-huit ans, j’habite à Londres, dans le quartier très branché d'Angel-Islington. Je viens de rompre avec un homme qui a partagé ma vie pendant dix ans. La rupture est rude et lourde, dix ans de ma vie représente plus d’un tiers de celle-ci. Il faut tourner la page, aller de l’avant. Quoi de mieux alors qu’un séjour entre copines sur l’île de Palma de Majorque à siroter des mojitos sur la plage en regardant passer les jolis garçons entre deux baignades ? Aussitôt arrivées, dix heures et quelques du matin, on se pose en terrasse avec nos valises et on commande des cocktails. Je lis dans les yeux de la serveuse un brin de mépris devant notre choix alcoolisé de si bon matin. Avec mon amie, ma « partner in crime » avec qui je fais les quatre cent coups depuis des années, nous rions et savourons déjà nos premiers instants de vacances sous le soleil espagnol.

 

On passe en début d’après-midi à notre AirBnb. J’ai réservé une chambre chez l’habitant. A peine entrées, la femme qui nous héberge nous dévisage mon amie et moi des pieds à la tête avec un air l’air de dire : « oh la vache, les deux là, elles sont pas venues visiter les musées ! ». Elle n’a pas tort. Le culturel, nous, étudiantes en licence de lettres modernes, d’ordinaire on adore ça, mais pour ces jours-ci, on s’en passera. Après quelques heures à déballer nos affaires et papoter, nous repartons vite découvrir le centre ville et les plages de Palma.

 

Il fait bon dans les rues, l’air est tiède et doux. Le soir tombe doucement, nous sentons, aux quatre coins des rues, que la fièvre nocturne monte lentement et est prête à s’installer. Moi qui vis dans la grisaille londonienne depuis plusieurs mois, je me sens revivre. Même si j’adore les étés à Londres, ici en Espagne, l’atmosphère prend une autre couleur, l’ambiance appelle à la fête, constamment, plus particulièrement à la tombée du jour. Nous nous promenons le long de la plage, nous posons quelques instants sur un muret. Tout à coup, le ciel, jusqu’ici d’un bleu éclatant, change de tons, joue de sa palette. Il se colore d’un or subtil, entrecoupé par le gris lumineux de quelques nuages venant épaissir l’horizon. Le mordoré lui confère un air surnaturel, inonde de ses rais chauds et mystiques la ville et ses plages. Je reste extatique devant ce spectacle hors du commun. Secrètement, je rêve de vivre sur la côte méditerranéenne espagnole. Peut-être qu’un jour j’arriverai à réaliser ce projet, en tout cas je l’envisage sérieusement après l’Angleterre.

 

Mon amie et moi nous posons sur une première plage déserte. Derrière nous passe une route bruyante et honnêtement, l’endroit ne vend pas du rêve. L’eau de la mer est trouble, même pas envie d’y piquer une tête. Où sont les beaux bruns ténébreux espagnols bon sang ? Peut-être est-il encore tôt, on ne voit personne. On décide d’aller faire des courses : on s’organise sur un banc un petit pique-nique de fortune avec quelques produits locaux, on se débouche une bouteille de vin blanc tiède bas de gamme qui pique aux yeux quand on le renifle. On finit enfin par croiser un beau blond aux cheveux bouclés qui fait des galipettes en rollers le long de la plage, et qui, devant nos airs extasiés et nos cris de fauves, nous regarde avec un air ahuri comme si nous étions deux animaux de zoo échappés leur cage.

 

La soirée passe, minuit approche. Le vent se rafraîchit mais il fait toujours aussi bon. La bouteille de vin est vidée depuis longtemps. La nuit tombe, les lumières s’allument aux fenêtres, les bars se remplissent, l’ambiance s’installe. Avec mon amie, l’envie furieuse d’aller faire la fête se fait ressentir. Nous partons nous balader en ville et nous arrêtons boire un verre à droite, à gauche. On finit dans quelques bars à danser et boire des chupitos d’alcools non-identifiés et absolument infects.

Cœur bavard - série littéraire

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