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Episode 3 : le barbu du Koko

Le hasard est parfois drôle, mais alors que nous les imaginions anglais, ils sont en réalité français. Nous nous amusons de la coïncidence. Les duos se forment instinctivement et rapidement. Je sens, très vite, que le roux à lunettes flashe sur ma meilleure amie. Les choses sont plutôt bien faites car je sens en même temps que le brun barbu aux allures de Papa-ours accroche plutôt bien avec moi, au bout de quelques mots échangés seulement.

En effet, il a de la conversation, le regard franc, le sourire agréable. La discussion est facile, nous parlons de tout et de rien. Il m’apprend qu’il habite à Londres depuis quelques temps, qu’il y a aménagé à peu près en même temps que moi, pour le travail, et qu’il s’y plaît beaucoup. J’aime beaucoup le timbre de sa voix et son regard, vif et intelligent. Le garçon qui l’accompagne est son meilleur ami, il habite Dublin. Je remarque que ce dernier s’est amouraché de mon amie mais que, visiblement, l’attirance n’est pas réciproque : elle me lance des regards de détresse qui semblent crier au secours, tandis que je continue ma conversation avec le barbu, le sourire aux lèvres. A le regarder de plus près, il a un certain charme, c’est vrai. Un beau sourire, vraiment. Il porte une jolie chemise, bien repassée. C’est con, mais c’est le genre de détails auquel je prête attention et qui me plait. C’est un homme qui dégage une certaine allure.

 

La soirée passe. Nous papotons toujours de façon aussi intéressante lui et moi, entre l’intérieur de la boite, où il fait une chaleur à crever, et la terrasse qui surplombe Camden. Mon amie tente tant bien que mal de se débarrasser du dublinois, mais il semble plutôt décidé à ne pas lâcher l’affaire. Le barbu va me chercher un cocktail au comptoir pendant que mon amie trouve enfin quelques secondes pour s’extirper et vient me parler :

« Alors ! Décidée à tenter quelque chose avec lui ? Franchement, je le trouve hyper séduisant, tu devrais lui laisser sa chance. »

Mouais. Je ne suis pas totalement convaincue, mais après tout, peut-être qu’en le voyant de nouveau autour d’un café, en dehors du bruit et du monde d’une boite de nuit, changerai-je d’avis à son sujet ?

Il revient rapidement du bar avec deux verres à la main. Nous finissons par nous embrasser entre deux discussions, et je suis plutôt surprise par ce qui se dégage entre nous au moment de ce baiser. J’aime sa manière de prendre mon visage entre ses mains et je trouve ses bras réconfortants. Mon amie avait raison : finalement, le charme opère avec lui. Nous nous quittons peu après avant d’échanger nos numéros de téléphone.

 

Le lendemain, j’écris au barbu du Koko, d’abord pour demander des nouvelles, puis ensuite dans l’idée de lui proposer un café dans la semaine. Il me répond rapidement quelques banalités sur sa journée, avant de ne me pondre un énorme message, divisé en plusieurs paragraphes, organisé à la virgule près, qui me laisse complètement perplexe. Heureusement, ma meilleure amie est toujours chez moi pour quelques jours encore de vacances, et je peux lui partager ce que je viens de lire : il m’explique clairement qu’il est d’accord pour me revoir, mais à la condition que je ne m’imagine pas vouloir avec lui une relation uniquement basée sur le sexe, car il considère cette perspective peu intéressante, s’estime « peu compétent en la matière », et que « ce n’est pas [son] truc », en bref, qu’il lui faut « beaucoup de temps » avant de se sentir « à l’aise physiquement avec quelqu’un » et que, si nous nous revoyons, c’est davantage pour apprendre à nous connaître dans l’éventualité d’envisager une relation sur du long-terme.

« C’est quoi ce roman ? J’ai pas besoin de lire un truc pareil avant un simple premier café... Ça casse un peu l’ambiance son message là, nan ? », confie-je à mon amie.

Décidément, je ne suis pas emballée par le personnage, cela confirme bien mes doutes.

Elle me raisonne en avançant comme arguments qu’au contraire, je dois voir son message comme une preuve de transparence et d’honnêteté de sa part, qu’au moins avec lui, je sais à quoi m’attendre, qu’il n’a pas l’air de vouloir me mentir ni jouer un rôle, qu’il mérite au moins que je lui laisse sa chance et que je ne sois pas aussi catégorique. Bon gré, mal gré, je finis par me laisser convaincre (il faut dire aussi que j’ai bien peu de volonté face à la force argumentative de mon amie), et je fixe un rendez-vous au barbu à la semaine d’après.

Cœur bavard - série littéraire

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